Marché de l'art  •  News

Guillaume Piens nous parle d’Art Paris suite à la crise sanitaire

Art Paris - Grand Palais

Nous avons eu la chance de discuter avec Guillaume Piens, Commissaire Générale de la prestigieuse foire d’art contemporain Art Paris. Suite à la crise du Covid-19, la foire a été annulée et reportée intégralement en ligne, Guillaume Piens nous raconte cette expérience exceptionnelle et nous partage ses impressions sur le futur des foires d’art contemporain (link to insert).

1 – Art Paris n’a pas pu se tenir comme prévu du 2 au 5 avril dernier dû aux nouvelles mesures de confinement. J’imagine que ce fut un déchirement après plusieurs mois de préparation :

C’est le cœur lourd que nous avons pris la décision d’annuler la foire le 14 avril dernier malgré de multiples scénarios envisagés. Il s’agissait de notre dernière édition au Grand Palais avant déménagement au Champ de Mars en 2021. Vous pouvez également imaginer la vive déception de nos équipes et de ceux, partenaires et fournisseurs, impliqués dans la réalisation d’un événement d’une telle ampleur, sans parler des conséquences dramatiques pour nos galeries.

Nous avons envisagé d’abord un report fin du 27 au 31 mai puis une possibilité de faire la foire du 2 au 5 juillet. La prolongation de l’interdiction de rassemblement jusqu’à la mi juillet a douché nos espoirs et nous avons réalisé que le virus et les conséquences  qu’il entraîne allaient affecter le calendrier d’automne. Beaucoup d’événements et de foires sont déjà reportés (Expo Chicago déplacé en Avril 2021, ouverture de la fondation Pinault Bourse du commerce repoussée au printemps) ou s’annulent déjà (La Biennale Paris, Drawing now etc…). il est fort à parier que Art Basel n’aura pas lieu mi-septembre.

2 – Avez-vous prévu un programme particulier pour la foire digitale ?

Oui, nous avons développé un partenariat plus poussé avec Artsy de façon à proposer une édition de la foire en ligne permettant aux collectionneurs de découvrir les stands que nos exposants avaient imaginés pour Art Paris 2020.

Une preview pour les collectionneurs et VIP d’Art Paris est proposée les 25 et 26 mai, puis s’étendra au grand public à partir du 27 mai avec un programme inédit sur la plateforme d’Artsy et sur les réseaux sociaux d’Art Paris.

3 – Pensez-vous déjà à l’édition 2021 de la foire ? Anticipez-vous des changements ? 

Oui bien sûr, il nous travailler en priorité sur la diminution des coûts de façon à baisser le prix du m2 pour les exposants dont les budgets pour les foires vont se réduire, penser à un format plus intime avec des plages horaires permettant une meilleure ventilation du public et éviter les encombrements et les queues surtout au moment critique du vernissage.

Ces réflexions s’intégreront dans un changement de taille : du 7 au 11 avril 2021, Art Paris sera la première foire à investir le Grand Palais éphémère au Champ-de-Mars, une magnifique structure temporaire du 21e siècle imaginée par l’architecte Jean-Michel Wilmotte, qui abritera les évènements parisiens jusqu’à la réouverture du Grand Palais à l’occasion des Jeux Olympiques de 2024.

4 – D’un point de vue personnel, pensez-vous que la crise actuelle pourrait impacter le marché de l’art contemporain, et en particulier celui des foires, de manière durable?

La crise sanitaire nous renvoie d’abord aux questions existentielles profondes (la vie / la mort) et j’imagine que cela aura un effet sur l’esthétique et le goût : un désir de frugalité, moins de bling et de gadget, un recentrage sur les valeurs humaines et le partage. La crise économique qui en découle va provoquer la fermeture de nombreuses galeries, diminuer les budgets d’acquisition des collectionneurs et des institutions et donc affecter les foires.

En revanche, je ne sais pas si les collectionneurs seront plus enclins à acquérir des oeuvres exclusivement en ligne à l’avenir, car pour moi l’art reste avant tout une expérience physique et sensorielle difficile à transcrire dans le monde virtuel.

5 – Pensez-vous que les semaines de l’art contemporain à Paris, à Miami ou à Bâle pourraient changer de visage ? 

Nous étions clairement dans une période de surchauffe : trop de foires, trop de biennales, trop de galeries et trop d’artistes. Nous allons être à la diète.

Le nombre de foires va se contracter comme l’économie et  la dimension locale et régionale va prendre encore plus d’importance : ce qui nous entoure, ce qui est proche de nous au détriment des voyages lointains et de l’exotisme. Je pense que les foires régionales comme Art Paris ont un avenir. Elle s’appuie sur un éco-système, dense et riche, nationale et locale, de collectionneurs, fondations, musées, et galeries qui fait de Paris aujourd’hui l’une des capitales mondiales de l’art.

Si les grandes foires résisteront, il faudra cependant repenser l’accueil du public car les grands rassemblements font peur à présent. Les foires satellites qui vivent dans l’ombrelle des grandes foires vont certainement diminuer en nombre et s’en sortiront peut être les foires niches ultra-pointues comme 1:54 par exemple pour l’art africain.

6 – Enfin, pensez-vous que le marché de l’art pourrait devenir plus local physiquement et plus virtuel internationalement ?

Etant donné les restrictions de voyage actuelles, les difficultés du transport aérien, la peur chez beaucoup de se déplacer, il me semble évident (au moins pour les années 2020 et 2021), que le marché va être davantage locale et régionale, que les collectionneurs vont certainement privilégier les parcours dans les galeries ou les événements de proximité.  De même qu’il est évident que les outils numériques deviendront une fenêtre privilégiée pour accéder aux mondes et horizons lointains. 

Pour en savoir plus, lisez notre article sur l’avenir des foires d’Art Contemporain