À l’occasion de notre vente aux enchères caritative en collaboration avec Médecins du Monde, nous avons interviewé l’artiste Tatiana Rezvaya. Artiste expérimentée vivant au Royaume-Uni, ses œuvres ont été largement exposées en Russie et en Ukraine. Tatiana adopte une approche artistique figurative dans chacune de ses œuvres.
Quand avez-vous su que vous vouliez devenir une artiste?
Je suis née en 1943 – pendant la guerre. Nos voisins savaient que ma mère était une artiste, alors ils venaient la voir avec de minuscules photos de soldats représentant leurs fils, leurs pères, leurs maris, accablant ma mère de demandes de portraits de leurs proches disparus. J’ai toujours regardé ma mère à son chevalet, un pinceau à la main. C’était une artiste exceptionnellement talentueuse et passionnée.
Naturellement, grâce à mes observations, j’ai commencé à dessiner dès mon plus jeune âge. Je dessinais par plaisir, mais je ne considérais pas mes œuvres comme ma future carrière. Je suis allée à l’université pour étudier les langues romano-germaniques et la littérature internationale; mais mes mains continuaient à dessiner, toutes mes notes de cours étaient remplies de dessins.
Plus tard, j’ai eu un travail intéressant, j’ai rencontré des gens extraordinaires et j’ai beaucoup voyagé. J’ai vécu plein d’expériences que je voulais partager différemment qu’avec des mots. À cette époque, je connaissais déjà assez bien l’histoire de l’art. Cependant, je savais que si je voulais devenir une artiste professionnelle, il me fallait une compréhension académique de l’art. C’est donc à ce moment-là que j’ai pris la décision de changer de profession, de vie, de « retourner à l’école » et de devenir une artiste.
Si vous n’étiez pas une artiste, que seriez-vous ?
Comme je l’ai dit, j’ai déjà fait l’expérience d’une autre profession : j’ai enseigné dans un institut, puis travaillé comme interprète.
Mais si je n’avais pas la capacité de dessiner, je deviendrais archéologue, astronome ou médecin : ce sont des professions de véritables sorciers qui découvrent les secrets du temps, de l’espace et de la nature humaine.
Oeuvre sélectionnée pour la vente de charité
Quel est votre processus créatif?
Je compare ce processus à la naissance d’un enfant. Je traite mes œuvres comme des enfants. Tout d’abord, je tombe amoureuse de chacune d’entre elles à l’avance. On conçoit une idée, on la nourrit, et ce n’est que lorsqu’elle est pleinement épanouie dans notre imagination qu’on se prépare à la mettre en œuvre. Une peinture commence à prendre forme lorsque je la dessine sur la toile au fusain. Pour moi, c’est le moment le plus intense, le moment de concentration absolue. Quand le dessin est prêt, je vois déjà l’image finie dans mon imagination. Et puis après, tout est simple, il ne reste plus qu’à transférer mon imagination sur la toile.
Comment reliez vous l’art à l’activisme et à des causes telles que l’accès universel à la santé?
Les anciens philosophes ont dit : « Dans un corps sain, un esprit sain ». Cependant, tout n’est pas harmonieux dans notre société concernant la santé physique et spirituelle. Les médecins sont à l’avant-garde de la guérison de l’humanité. Mais ils se concentrent principalement sur la santé physique.
Que ce soit consciemment ou non, l’art a toujours été et est encore un guérisseur et un éducateur de la santé morale et spirituelle. Je pense que nous, artistes, musiciens, poètes et acteurs pouvons aussi faire partie de ce groupe qui se soucie et contribue à la santé du monde entier.
Croyez-vous que l’art est un moyen d’établir la paix ?
Oui, je le crois. Malheureusement, nous devons admettre que le monde d’aujourd’hui est encore dirigé par l’argent. Alors que l’art est le domaine de l’amour et de la paix, il contient un grand pouvoir créatif. L’art est un véritable antipode du pouvoir destructeur de la guerre. Je crois en l’affirmation « l’art ne connaît pas de frontières ».
La compréhension des valeurs humaines universelles : la beauté, la bonté et la moralité peuvent être transmises par l’art. L’art permet de comprendre des cultures différentes et de réaliser à quel point notre Terre est belle et fragile. La poursuite de la paix est une mission digne de l’art pour laquelle chaque artiste peut contribuer. Par exemple, le merveilleux message des paroles de la chanson « We Are the World ».
Qu’est-ce qui vous a encouragé à participer à cette vente aux enchères caritative?
Ma participation à cette vente aux enchères caritative est mon hommage aux médecins : une preuve d’admiration et de respect pour leur dévouement à leur profession. C’est une envie de les soutenir et l’occasion de leur dire « MERCI ! » avec le langage d’une artiste.
Comment les événements actuels du monde influencent-ils votre art ?
Les œuvres d’un artiste reflètent sa vision du monde extérieur, en passant par le prisme du monde intérieur : ses sentiments, ses pensées, ses émotions, sa philosophie, construits par ses expériences de vie. Ma propre vision du monde est déjà établie.
J’avoue que rien de ce qui se passe actuellement dans le monde n’a affecté ou influencé mon travail. Mon attitude est comme décrite par le roi Salomon : « Tout passe. Cela passera aussi ».
Qui est votre artiste préféré?
J’adore l’artiste russe Zinaida Serebryakova, je suis également fascinée par les peintures de Modigliani. J’étudie la technique des œuvres de Cézanne, mais il y a surtout ce géant inégalé, l’ingénieux Michelangelo Buonarroti.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes artistes qui débutent ?
- Apprenez constamment. Lisez, allez dans les musées, apprenez des anciens maîtres, examinez minutieusement leurs œuvres, essayez de comprendre « comment ils ont fait ». Apprenez de bons professeurs. Dessinez ce que vous ressentez. Les sentiments ne suffisent pas, il faut encore savoir les incarner sur la toile.
- Apprenez les bases. Entraînez votre œil – par exemple, en voyant une couleur intéressante, devinez comme il est possible de l’obtenir en mélangeant les peintures. Étudiez l’anatomie, c’est un must, apprenez à voir la structure interne d’un objet afin que l’externe que vous représentez sur la toile ait une base solide.
- Et travaillez, soyez curieux, pensez, expérimentez, et vous serez récompensé en obtenant votre propre « écriture ». Vous arriverez à votre style individuel et unique. Bonne chance à la jeune génération !
Une oeuvre, un don
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