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Résidence d’artistes – ARKANE

L’association ARKANE pour la promotion de l’art et la sauvegarde du patrimoine est, depuis quelques années, un des éléments moteurs de la croissance du secteur culturel au Maroc et en Afrique. Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Abderrahmane OUARDANE, artiste et président de l’association et Résidence ARKANE à Casablanca.

Qu’est ce qui fait d’ARKANE une Résidence d’artistes unique? 

Nos résidences sont d’abord un lieu de vie collectif et un carrefour des cultures. Nous appelons des artistes contemporains du monde entier sans distinction d’âge (majorité requise), ni de genre, ni d’origine, ni de confession. Les artistes ont en commun le talent artistique, la volonté de créer, d’échanger, de partager et d’évoluer. La diversité culturelle constitue un appel fort et une originalité très appréciée par nos artistes résidents. 

Nos résidences sont des espaces de réflexion et de recherche. Ce sont de véritables laboratoires de recherche. Les artistes y travaillent des idées créatives nouvelles et innovantes. Souvent ils conjuguent entre eux pour développer des projets collectifs. Ils sont accompagnés et conseillés par des experts. Ils développent aussi des échanges d’idées et d’expériences qui stimulent leur prédisposition à créer l’inédit. Nos résidences représentent une véritable fourmilière de créativité en perpétuel mouvement. 

Nos résidences sont des espaces de création. Elles sont pensées pour favoriser au mieux la réalisation de projets d’art contemporain. Elles sont conçues pour être très fonctionnelles. Depuis quelques années, nous choisissons d’établir la résidence en campagne, au cœur d’espaces naturels, en mitoyenneté généreuse de verdure, d’animaux, d’hommes et de produits du terroir. Ce choix de retraite collective permet de stimuler la créativité des artistes résidents et favorise l’intelligence de groupe.

Nos résidences sont des espaces de rencontre, d’échange et de médiation. Elles accueillent des artistes, des curateurs ou commissaires d’exposition, des directeurs d’instituts, des médias ou encore des collectionneurs. Tout est déployé pour permettre le rapprochement entre les professionnels et grands acteurs du monde de l’art contemporain. 

Nos résidences sont des espaces de présentation. À terme de chaque période de résidence, les artistes sont tenus de présenter au public de l’association Arkane la restitution du projet réalisé au cours de leur séjour. Une exposition est programmée à chaque fin de session afin de présenter les travaux des artistes résidents avec catalogue illustré en support. Par ailleurs notre association organise plusieurs expositions en cours d’année, notamment l’édition annuelle « ARKANE AFRIKA » qui réserve une large place à la « collection ARKANE » constituée essentiellement d’œuvres des artistes résidents. 

Nos résidences sont des espaces d’animations culturelles et distractives. À l’occasion de chaque résidence, un programme d’animations très riche est proposé. Il prévoit des ateliers débats, des visites de musées ou de monuments patrimoniaux, des sorties découvertes et des soirées enjouées. 

Nos artistes résidents sont nos invités d’honneur, nous nous réjouissons de les accueillir. Notre collectif Arkane partage la passion de créer des rencontres improbables et des moments inoubliables. 

Abderrahmane OUARDANE, artiste et président de l’association et Résidence ARKANE

Comment sélectionnez-vous les artistes ? 

La résidence Arkane est un espace d’art contemporain alternatif qui offre aux artistes une immersion dans la création artistique actuel. L’objectif étant d’accompagner l’artiste dans sa recherche artistique et dans son parcours. Les artistes invités en résidence sont sélectionnés suivant leur talent, leur créativité et leur engagement sur la scène artistique. 

Notre vocation de révélateur nous dictait de nous intéresser davantage aux jeunes artistes émergents, créatifs, talentueux et innovants. C’est pourquoi, aujourd’hui, en plus des artistes reconnus, notre résidence s’adresse essentiellement à de jeunes artistes contemporains. Ces jeunes talents qui, à la sortie de leur formation, n’ont pas, ou peu d’accès à un atelier de création professionnel. En définitive, la résidence est un espace de réflexion, un lieu où les artistes échangent de nouvelles idées et entretiennent leur créativité. C’est surtout un espace d’échange et de transmission entre les artistes confirmés et la jeune génération

Un appel à participation international est communiqué via notre site et nos réseaux sociaux en amont de chaque projet de résidence. Chaque résidence fixe un cahier des charges qui énonce la thématique de recherche et les conditions de participation. Aucune distinction n’est appliquée concernant l’âge, le genre ou l’origine. En revanche, le profil créatif de l’artiste, son parcours, sa volonté d’évoluer et sa maturité constituent des critères de sélection prioritaires. 

Les artistes admis en résidence sont pris en charge et un programme d’activités parallèles est programmé en plus des sessions en atelier. En contrepartie, une quantité des œuvres réalisées durant la période de résidence est attribuée à l’association Arkane. Les œuvres intégrées à la collection internationale Arkane sont régulièrement exposées dans les rétrospectives artistiques que l’association organise chaque année. 

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Quels sont les éléments clés du succès d’une résidence d’artiste ? 

Organiser une résidence artistique est un véritable acte d’entreprendre. Cela requiert, un esprit, des objectifs, des supports humains, techniques et logistiques, de l’organisation, du management et des évaluations pour aboutir au projet. 

Clairement, la clé essentielle de la réussite d’une résidence procède du tracé précis d’une ligne éditoriale en amont. Il est essentiel d’avoir une vision, de fixer des objectifs et de définir un cadre et des résultats à obtenir. 

Une résidence artistique doit être incitative. Cela requiert un choix rigoureux de l’espace où s’activeront les artistes ! La proximité de la nature et la convivialité représentent pour  nous un facteur privilégié d’inspiration et de motivation. La mise à disposition du matériel requis, des matières et accessoires nécessaires à la création doit être sans faille et doit répondre aux attentes de l’artiste. Les manquements à ce niveau peuvent occasionner des frustrations ou des retards dans les créations projetées. L’élément humain ne doit pas faire défaut en termes de conseil, d’orientation, de soutien et d’assistance. 

L’autre clé du « succès » est la gestion de la résidence, tant sur le plan logistique, économique, humain que culturel et psychologique. Il est essentiel de bien gérer la relation avec les artistes et leurs ambitions. Cela requiert de l’expérience, de la connaissance, de l’écoute, de l’organisation, de la rigueur et beaucoup de flexibilité. Le management de cette alchimie explique les secrets d’une réside bien gérée. 

D’un autre côté nous réservons un intérêt particulier à l’animation culturelle, artistique et même ludique de nos résidences. Pour chaque résidence, et en fonction du thème retenu, nous arrêtons des programmes d’animations très riches : débats, présentations, performances, soirées récréatives, visites éducatives, galeries, ateliers, musées, divers patrimoines. 

Et pour contribuer à la promotion de nos artistes résidents, nous organisons des présentations spécifiques et les mettons en contact avec notre réseau. Nous sommes conscients que les artistes choisissent les résidences en fonction des contacts et des nouvelles rencontres qu’ils établiront grâce à leur immersion dans le paysage artistique. À cette fin nous préparons tout un rayon de contacts et de relations tant avec des curateurs, des collectionneurs et des promoteurs culturels et artistiques. 

En définitive la tâche est très ardue et requiert un savoir-faire aguerri ainsi qu’une mobilisation humaine permanente et des moyens matériel conséquents. 

Quel impact pensez-vous que ARKANE a eu depuis sa création ? 

Arkane a contribué fortement à propager la culture de la résidence artistique au Maroc en tant qu’outil et élément important de la promotion de l’art et de la culture. Il y a sept ans, lorsque nous avions lancé notre première résidence, le Maroc comptait peu de résidences artistiques. Nous avons contribué à prescrire le Maroc et Casablanca en tant que plaque tournante et lieu privilégié du développement de l’art contemporain en Afrique et dans le monde. Un indice révélateur : le Maroc, plus particulièrement la ville de Rabat a été retenue comme « Capitale Africaine de la Culture 2020 – 2021 ». De nombreux artistes plasticiens d’Afrique ont fréquenté notre résidence et en ont propagé la notoriété. Cela a renforcé notre positionnement pionnier dans le développement de l’art contemporain d’Afrique. Grâce à ces débouchés, l’association ARKANE s’est forgée une notoriété internationale très valorisante. 

Par ailleurs, ARKANE a soutenu d’importants projets créatifs grâce à l’implication de grands artistes internationaux. Notre association a participé à des événements de grande  envergure internationale. Nous citons comme exemple notre présence en 2016 à la Cop 22 à Marrakech (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques), où nous avons exposé plusieurs œuvres d’artistes de notre collectif. Aussi, nous avons créé le premier Festival d’Art Contemporain d’Afrique à Khouribga, qui a été renouvelé sur plusieurs éditions, en concomitance avec le Festival du Cinéma Africain. Notamment nous avons été parmi les pionniers à créer « ARKANE AFRIKA », exposition d’art contemporain d’Afrique qui s’est déroulée sur 5 éditions, dans plusieurs villes du Maroc. Et qui, au fil des éditions, a conquis en représentation et en popularité. 

Enfin, nous privilégions l’interaction avec les publics. Parallèlement à nos résidences artistiques, nous avons créé un centre pédagogique pour la formation et l’accompagnement des jeunes publics éloignés de la culture et talents prometteurs résidants à Ain Sbaâ, un quartier à la périphérie de Casablanca. Accompagner la génération montante est une priorité pour l’association ARKANE. 

Notre modèle est aujourd’hui reproduit par plusieurs instances. Cela nous réjouit parce que cela répond à notre ambition de contribuer à la représentation de nouvelles tendances et pratiques créatives qui participent à la promotion de l’art contemporain. 

Quelles sont vos ambitions à long terme pour la scène artistique marocaine ? 

Au Maroc notre association milite fort en vue de réserver à la culture et à la création artistique au Maroc et en Afrique la place et l’envergure qu’elle mérite. A cet effet, nous déployons beaucoup d’efforts en vue de croiser les décisions des gouvernants sur la nécessité de placer la culture et la création artistique en position de levier au service du développement et pour favoriser le mieux-être des citoyens. 

Dans cette optique, la démocratisation de l’accès à l’œuvre d’art joue un rôle déterminant. Tous les citoyens, dans toutes les régions du pays ont droit d’accéder à la formation, à la création et à la diffusion artistique et culturelle. D’ailleurs, la régionalisation des résidences fait partie de notre combat ! 

Autre combat majeur : la préparation de la génération montante, des citoyens de demain. Le devenir des arts passe par la formation, la sensibilisation et l’encadrement des jeunes. Notre tremplin pour défendre ces objectifs passe d’abord par la nécessité de fédérer des potentialités tant sur le plan national qu’international. C’est ainsi que nous avons conclu plusieurs conventions de collaboration avec des institutions et des associations concernées par la chose artistique et culturelle. 

Au Maroc, nous avons aussi intégré la Fédération des Industries Culturelles et Créatives (FICC) qui constitue un porte-voix de grande efficacité. En plus de la casquette de président de l’association ARKANE, je porte aussi le béret de vice-président de la FICC, responsable de la filière « arts visuels ». Grâce au combat mené avec notre collectif nous avons réalisé de grandes avancées au Maroc et bien d’autres combats sont menés à l’échelle africaine à travers plusieurs partenariats de collaboration avec des associations africaines. 

Pour vous, quel est le rôle de l’art dans la société actuelle ? 

Il me semble essentiel avant tout de réserver à la culture et la création la place et l’envergure qu’elle mérite dans la société. La culture n’est pas un secteur et la création n’est pas du simple divertissement. Il s’agit là plutôt d’un droit fondamental de l’être humain face à la complexité du monde. Si nous continuons à considérer que la création culturelle et artistique sont de l’ordre du divertissement ou même un vague supplément d’âme, ce n’est pas la peine d’en faire une priorité. Et on ne s’étonnera pas alors de nous retrouver au-devant d’un tsunami économique aux conséquences sociales très sévères. 

Par contre, si on considère que le champ culturel nourrit la société, par ses questionnements, ses créations et ses inventions, alors il faut agir autrement et investir massivement dans l’éducation et la culture

Il serait en tout cas catastrophique, sous prétexte de relance économique, de fragiliser les financements culturels dont la part dans le budget de l’état est déjà minime. 

Simultanément, pour aider les artistes à assumer les responsabilités qui leur incombent, il est essentiel de leur réserver l’estime, la considération et l’écoute qu’ils méritent. Revoir le statut de l’artiste, défendre ses droits, en l’occurrence les droit d’auteur, droit de suite et les droits voisins et défendre la démocratisation à l’accès aux œuvres d’art. Telles pourraient être des mesures essentielles pour aider les artistes à jouer le rôle qui leur est ambitionné. 

Comment le Covid19 a impacté le côté international de votre résidence?

La pandémie COVID-19 a provoqué d’immenses dégâts dans le monde et particulièrement dans les milieux culturels. La fragilité des sphères culturelles a été rapidement et complètement mise à nue. Les problèmes que posent le statut de l’artiste et sa  reconnaissance au sein de la société se sont avérés flagrants. Le besoin de structurer les différentes filières culturelles et artistiques se révèle urgent. 

L’artiste s’est trouvé en ligne frontale et a fait preuve de beaucoup de résilience. Il est le premier à être atteint par les conséquences de la pandémie et le dernier à espérer retrouver son activité « normale ». Il réalise aujourd’hui à quel point ses conditions d’existence sont négligées. Au moindre événement malheureux, il reste totalement exposé aux risques et ne bénéficie d’aucun filet social. 

Cependant, COVID-19, malgré tout l’obstacle qu’il a semé, a eu au moins l’avantage d’attirer l’attention sur la fragilité extrême du statut de l’artiste et de tirer à cet effet une sonnette d’alarme aigüe. 

En effet, la pandémie COVID-19, a eu des impacts ravageurs sur les activités de notre association et particulièrement sur la tenue et l’organisation de nos résidences. Notre programmation annuelle est interrompue. La circulation internationale étant restreinte et la proximité physique étant prohibée, cela a porté un coup fatal à notre activité qui est basée sur les échanges avec les artistes du monde et le contact physique, principes fondamentaux à notre culture du collectif et de l’échange. 

Par ailleurs, et comme dans beaucoup de pays du monde, la pandémie de Coronavirus nous a conduit dans l’impasse économique et a amplifié les injustices sociales. Elle a imposé l’urgence de revoir en profondeur nos choix de société et nos modes de vie. 

Concernant les artistes, j’espère que la leçon est tirée pour changer le regard porté sur la culture en général et à l’artiste en particulier. On retiendra la nécessité urgente de mettre de l’ordre dans nos rangs, de structurer nos métiers et de définir une vision et une stratégie qui définit le statut de l’artiste et organise la promotion des industries culturelles et créatives. 

Quel est votre moment le plus mémorable à La Maison de l’art Contemporain Asilah ?

Durant ses 10 années d’existence, l’association ARKANE a vécu un ensemble d’événements et d’aventures autant mémorables et pétillants les uns que les autres.
Ma mémoire reste cependant marquée par le déroulement de la résidence artistique de 2017 à « Ait Ben Haddou », village pittoresque situé dans une oasis à proximité de Ouarzazate au sud du Maroc. Vingt-six artistes venus des 5 continents, parlants plus de huit langues différentes et issus de milieux complètement différents se retrouvent en résidence pendant près d’un mois entier, pour vivre en collectif, créer ensemble, échanger et partager des pratiques, des idées et des émotions. Le résultat est tout simplement magnifique : une chaîne d’amitié qui dure depuis 2017 et même des unions improbables : mariages, union entre une artiste brésilienne et un artiste du Mali, sans parler des alliances artistiques heureuses comme la constitution de la ligue créative des artistes de langue lusophone et le lancement de relais représentatifs de l’association ARKANE au Burkina Faso, au Sénégal, en France, en Australie, en Argentine et à Montréal. Ce fût là une démonstration magistrale de ce que peut générer une résidence artistique comme pouvoir d’inspiration, de créativité, de partage et d’union. 

Si tout était possible, à quoi ressemblerait pour vous la résidence de rêve ? 

Si je fermais les yeux pour rêver d’une résidence idéale, elle ressemblerait à toutes celles que j’ai vécues avec l’association Arkane (rires).