De tous temps les femmes ont collectionné de l’art et soutenu la création artistique. Elles restent pourtant les grandes oubliées de l’histoire de l’art qui a longtemps considéré que la collection était l’apanage des hommes. Aujourd’hui, leur rôle est enfin mis en lumière et consacré dans des expositions comme celle figurant la collection de Gertrude Stein au Grand Palais en 2012. Leurs collections révèlent souvent une volonté farouche de s’émanciper et de présenter au monde des artistes engagés.
Collectionneuses ou mécènes, les femmes ont pour beaucoup entretenu des relations interpersonnelles très fortes avec les artistes qu’elles collectionnent. La dimension de leur travail est double. D’abord, elles contribuent à stimuler le processus de création artistique. Ensuite, elles soutiennent largement la représentation des artistes qu’elles affectionnent.
L’historienne de l’art Julie Verlaine a d’ailleurs publié un livre retraçant le parcours et l’histoire de grandes femmes collectionneuses d’art (Femmes collectionneuses d’art et mécènes de 1880 à nos jours). Son ouvrage est un puissant témoignage sociologique qui établit une corrélation entre le genre et les pratiques de collection. Véritables protectrices des arts, les femmes ont été nombreuses à affirmer leur présence sur le marché de l’art en faisant fi des rapports de domination masculine. A l’occasion de la Journée internationale des Droits des femmes, SINGULART est heureux de vous dresser le portrait de certaines des plus grandes patronnes des arts, du XIXe siècle à nos jours. Retour sur la place des femmes collectionneuses dans l’histoire de l’art.
Nélie Jacquemart : portraitiste devenue collectionneuse incontournable
Avez-vous déjà eu la chance de visiter le somptueux musée Jacquemart-André à Paris ? Ainsi que son nom l’indique, il a été l’hôtel particulier de Nélie Jacquemart et Edouard André, son mari, et abritait leur vaste collection avant d’être transformé en musée en 1913. Aujourd’hui, les œuvres que le couple possédait y sont encore exposées, et Nélie Jacquemart figure parmi les plus grandes collectionneuses de son époque.
Née en 1841 à Paris et issue d’un milieu modeste, Nélie Jacquemart a d’abord été peintre. Portraitiste talentueuse, elle rencontre dans ce cadre Edouard André, banquier et propriétaire de La Gazette des Arts, qui la sollicite pour peindre son portrait. S’ensuit une grande histoire d’amour qui aboutit à leur mariage en 1881. Les deux amants partagent la même passion pour l’art, qu’ils font vivre à travers de nombreux voyages. Ainsi débute la collection Jacquemart-André, composée de nombreuses acquisitions faites au cours de leurs périples. Nélie Jacquemart affirme très tôt son tropisme pour l’art italien et constitue ainsi une splendide collection dans son hôtel particulier parisien.
Après la disparition de son mari en 1894, la collectionneuse continue de voyager et faire vivre l’art en France. Elle décède en 1912 et fait don de l’intégralité de sa collection à l’Institut de France. Dans son testament, Nélie Jacquemart souligne sa volonté d’ouvrir les portes de son hôtel à un large public pour les sensibiliser à l’art. Respectant ses aménagements, l’Institut de France crée un an plus tard le Musée Jacquemart-André qui abrite encore aujourd’hui quelques chefs-d’œuvre de la peinture italienne.
Gertrude Stein : figure emblématique de l’avant-garde
Gertrude Stein est l’amie de tous les plus grands maîtres de la peinture du XXe siècle. Sa collection colossale a de quoi émerveiller : de Cézanne à Picasso en passant par Matisse, les grands noms de la peinture y figurent. L’Américaine s’installe à Paris en 1904 et rejoint son frère Léo au 27 rue de Fleurus, qui deviendra bientôt un lieu emblématique de l’avant-garde parisienne.
Très rapidement, elle commence à acquérir avec son frère des toiles de peintres comme Gauguin ou Renoir. Puis, visionnaire, Gertrude Stein se prend de passion pour le travail de Pablo Picasso. La collectionneuse se détache petit à petit de son frère et affirme ses goûts et préférences artistiques : Léo est fidèle à Matisse tandis que Gertrude lui préfère Picasso.
Toute sa vie, elle entretiendra des relations intimes avec ces artistes dont elle influencera le travail, insufflant ses réflexions sur l’art auprès de ses amis. La collectionneuse était certainement la plus grande ambassadrice de l’art moderne et a largement contribué à la diffusion du cubisme. A la fois écrivaine, poétesse et fine esthète, Gertrude Stein reste aujourd’hui un monument de l’avant-garde européenne.
Peggy Guggenheim : collectionneuse Américaine autodidacte
Personnage légendaire de l’art moderne, l’Américaine Peggy Guggenheim a laissé un héritage important au monde de l’art et son influence s’étend jusqu’en Europe où elle a établi sa collection au Palazzo dei Leoni à Venise.
Américaine mondaine, la collectionneuse est sensibilisée à l’art grâce à ses amis Marcel Duchamp et Jean Cocteau. Dépositaire d’un important héritage, elle débute sa collection d’œuvres sélectionnées avec minutie et beaucoup de vision. Après avoir traversé l’Atlantique pour s’installer en Europe, elle ouvre sa première galerie Guggenheim Jeune à Londres en 1938 où elle expose Brancusi pour inaugurer le lieu. Férue d’art, elle fait l’acquisition d’un nombre spectaculaire d’œuvres d’art, parmi lesquelles celles de Calder, Kandinsky, Giacometti ou encore Dali, entre autres.
Pendant la guerre, Peggy Guggenheim protège de nombreux artistes qu’elle accueille aux Etats-Unis, et notamment le peintre Max Ernst qu’elle épouse en 1941. De retour dans son pays natal, elle ouvre sa fameuse galerie New-Yorkaise Art of the Century qui figure les artistes majeurs de l’avant-garde américaine comme Pollock ou Rothko.
La collectionneuse continue d’acheter frénétiquement des œuvres d’art et agrandit sa collection qu’elle installe finalement en 1949 à Venise, où elle passe le restant de sa vie. Aujourd’hui, la fondation Guggenheim expose sa collection dans son palais, où elle repose aux côtés de chefs-d’œuvre de l’art moderne.
Patrizia Sandretto Re Rebaudengo : la collectionneuse contemporaine Turinoise
Patrizia Sandretto Re Rebaudengo façonne le monde de l’art contemporain. Collectionneuse remarquée, cette italienne est aussi une fervente supportrice des jeunes artistes dont elle soutient la production. En art, elle aime les œuvres les plus osées, parmi lesquelles celles d’Anish Kapoor qu’elle collectionne dans sa fondation Turinoise qu’elle a ouverte en 1995.
La collectionneuse agit sur tous les fronts : elle collectionne l’art à titre personnel, expose des artistes dans sa fondation et organise des expositions partout dans le monde et finance aussi la production de certaines œuvres et installations à l’occasion d’événements.
Patrizia Sandretto Re Rebaudengo est sans nul doute l’une des femmes collectionneuses les plus en vue du moment, dont la collection figure parmi les plus contemporaines de notre siècle.
Les collectionneuses SINGULART
Sur SINGULART aussi, nos collectionneuses contribuent au rayonnement de l’art. Apprenez en plus sur leurs parcours à travers nos interviews exclusives.
