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Rencontre avec l’architecte d’intérieur Nicolas Adnet du studio français MHNA

Dans cet entretien exclusif, Nicolas Adnet partage l’histoire du studio MHNA, sa rencontre avec Marc Hertrich et les secrets du succès du studio depuis plus de 25 ans.

Qu’est ce qui a inspiré la création du studio MHNA?

Le studio MHNA a environ 30 ans. Il a été fondé par Marc Hertrich, diplômé de l’Ecole Boule, qui a très vite ressenti le besoin de créer sa propre structure. Et puis il y a 25 ans, nous nous sommes rencontrés. A cette époque là, moi je travaillais dans la haute-couture. On s’est rencontré d’un point de vue privé, je l’aidais parfois dans son travail sur des harmonies et autres. Et puis un jour Marc m’a proposé de le rejoindre.

J’ai décidé de complétement changer ma carrière, on s’est associé et on a fait grandir le bureau ensemble. Le premier client de Marc était pour un projet sur un hôtel et nous sommes principalement restés dans ce milieu de l’hospitalité après. Nous avons construit notre réputation dans ce milieu là tout en gardant d’autres projets et clients privés à côté. L’hôtellerie est un véritable laboratoire à idées. Nous faisons du sur-mesure pour nos clients avec du storytelling, concept très à la mode actuellement, mais qui était dans notre mission depuis maintenant plus de 30 ans.

Comment la mode a-t-elle influencé votre travail en tant que designer?

J’ai eu la chance de découvrir le monde de la mode quand j’avais 13 ans car j’avais une sœur ainée qui y travaillait. J’ai vu mon premier défilé d’Yves Saint Laurent à 13 ans, ce qui a été un émerveillement. Très rapidement, j’ai compris que je voulais travailler dans ce domaine. Et j’ai donc fait une première carrière dans la maison Lanvin pour laquelle j’ai travaillé 11 ans dans le secteur de la finance.

Ce que j’aimais dans la mode c’était la création, l’artisanat et la haute couture et petit à petit le marketing a pris le dessus. Ce qui me plaisait dans le monde de la mode commençait à disparaître et j’étais de moins en moins passionné. Et ce que j’ai pu retrouver avec Marc, c’était la création. C’est pour ça que j’ai changé. J’ai eu cette opportunité de faire ce dont j’avais toujours rêvé même si ce n’était pas dans la mode. Il y a de fortes similitudes entre ces deux mondes: sans cesse en train de se réinventer et en renouvellement. Au studio, nous faisons vraiment du sur-mesure et c’est un concept que l’on retrouve aussi dans la haute-couture.

Quel est le style du studio MHNA?

Il y a donc cette méthode du sur-mesure et du storytelling. Nous avons également une approche très terre à terre c’est à dire que nous sommes conscients qu’il faut habiller avec poésie quelque chose de fonctionnel, notamment dans l’hôtellerie.

Surtout, nous nous engageons à une certaine pérennité. Notre studio cherche plutôt à créer quelque chose qui a une identité propre et intemporelle plutôt que quelque chose de consommable. Nous nous méfions des phénomènes de mode.

Quel est le secret du succès de votre studio après 25 ans de collaboration?

C’est de rester fidèles à nous-même. De travailler à partir de notre sensibilité, on acquiert de jour en jour un professionnalisme. Nous restons passionnés, honnêtes et personnels, et je pense que c’est ce qui touche les gens.

Quel est votre processus de création?

La première étape est d’être en accord avec notre clientèle, nous cherchons à analyser et comprendre le lieu, les attentes du client et leur profil, la concurrence. La deuxième étape, qui vient avant le dessin, est de travailler sur un concept qui va être la réponse à une interrogation précise. Puis nous commençons à illustrer ce concept avec des moodboards pour comprendre comment ce concept va se décliner espace par espace, en créant l’histoire. Puis nous créons le lieu à travers des dossiers techniques qui sont tout aussi nécessaires et enfin nous créons nos motifs, nos matières. Nous jonglons tout le temps entre la tradition et la modernité.

Avez-vous une étape préférée dans votre processus de création?

C’est un métier qui est assez génial car les étapes sont très différentes mais elles me plaisent toutes. Quand vous sentez que vous êtes sur le point de cerner un concept, quand vous observez les premières images en 3D ou en simulation de votre projet c’est très excitant. C’est un bonheur quand vous êtes dans les travaux, une excitation quand le mobilier arrive et qu’on peut le mettre en place, finaliser le projet avec quelques objets décoratifs et accrocher des œuvres d’art sur les murs. Le moment le plus incroyable c’est lorsqu’on livre le projet, sur lequel on a parfois travaillé depuis plus de 5 ans.

Quel est votre plus beau souvenir avec le studio MHNA?

J’ai toujours beaucoup de mal à répondre à cette question, je n’ai pas de projet préféré. J’ai des coups de coeur. C’est un moment spécial et rare de rester dans un des hôtels que l’on a créé pendant nos vacances, et j’apprécie particulièrement rester dans l’un des hôtels pour lequel nous avons travaillé aux Maldives. C’est l’endroit parfait pour se ressourcer. Même si ce n’est pas mon projet préféré esthétiquement mais c’est avant tout une question d’histoire et de souvenirs.

Où trouvez-vous votre inspiration?

Nous sommes très curieux, très ouverts et très éclectiques; nous aimons voyager et s’intéresser à l’histoire de l’art et l’art contemporain. On la trouve surtout dans les voyages, la lecture, les promenades.

La Rotonde du Palace Le Negresco à Nice – Crédits: Francis Amiand

Sur quels projets avez-vous travaillé cette année?

Cette année nous avons conduit quelques projets malgré les quelques retards avec le COVID. Nous avons livré la nouvelle boutique Petrossian, boutique de caviar à Paris rue de la pompe : c’est un petit studio que l’on adore. C’est une belle histoire de famille avec du caractère et une histoire avec un désir de modernité dans le respect de la tradition. Sinon, nous avons pas mal d’hôtels qui sont en cours, nous avons aussi créé un salon VIP pour un client à l’aéroport de Charles de Gaulle, un Club Med en Espagne, des collaborations avec le groupe Constance notamment aux Maldives. Certains projets restent en stand by puisque nous ne pouvons pas nous déplacer. Nous sommes assez contents de notre année finalement, nous avons de la chance.

Quel rôle joue l’art dans votre travail?

Il a une place prépondérante. Nous ne vivons pas sans l’art, au sens large. L’art est partout, on ne s’enferme dans rien et on ne s’interdit rien. Nous avons cette liberté de ton et cette ouverture sur l’art qui influence nos choix et nos sélections pour des projets plus tard. L’art influence les matériaux, les couleurs, la scénographie ; on va créer des lieux pour qu’il y ait des émotions. L’art génère des émotions, c’est pourquoi il est très lié à notre démarche.

Comment la situation actuelle du COVID influence-t-elle le design?

Je ne suis pas sûr que le COVID aura un si gros impact sur le design. Nous savions déjà la nécessité de changer notre façon de créer en prenant en compte la planète et l’environnement. Il y aura des prises de consciences suite à cette situation c’est sûr, mais je crois que le propre de l’être humain c’est de s’adapter et d’oublier, de passer à autre chose. On reprendra notre vie rapidement et normalement.

Qu’est ce qui vous attend pour l’année 2021?

J’espère la reprise de certains projets auxquels nous tenons beaucoup, j’espère aussi continuer à être de plus en plus pointu, à faire ce que l’on aime et poursuivre notre chemin tout en gardant notre patte particulière.