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Conversation avec KOUKA NTADI

©Yasmin Samray

Kouka Ntadi, peintre franco-congolais, figure parmi les artistes présents lors de la vente solidaire organisée par SINGULART en partenariat avec l’AMREF du 9 au 16 mai. Artiste engagé depuis toujours, nous le remercions pour son soutien en faveur de cette vente caritative.

L’AMREF est une ONG africaine qui agit dans le domaine de la santé publique. Depuis 1957, l’association se bat pour un accès équitable aux soins, avec une priorité donnée aux femmes et aux enfants. Des artistes sélectionnés et engagés ont choisi de participer à cette vente à la bougie sur SINGULART pour soutenir cette cause.

Dans cette interview, Kouka Ntadi nous en dit plus sur son processus créatif et son engagement auprès de l’AMREF.

Comment avez-vous su que vous vouliez devenir artiste ?

 Étant issu d’une famille d’artistes, j’ai eu la chance de ne jamais percevoir l’art comme un métier ni comme quelque chose de sacré, auquel on accède seulement par chance ou grâce à un talent particulier qui nous aurait été transmis comme par magie. J’ai toujours pratiqué la musique et la peinture de manière très intuitive sans me poser la question de savoir si j’en ferais un jour mon métier. Lorsque j’ai commencé à me confronter au monde du travail, j’ai eu la chance de rencontrer une conseillère d’orientation qui a cru en moi. C’est elle qui m’a poussé à travailler ma peinture et à aller démarcher des galeries pour leur montrer mon travail. Avant cette rencontre, personne n’avait jamais pris ce que je faisais au sérieux.

Qu’est-ce qui vous inspire et vous pousse à créer ?

Je suis quelqu’un qui lit très peu. L’essentiel de ce qui me nourrit passe par l’image. Depuis très jeune, je suis fasciné par les icônes, les livres de photos ainsi que les vieilles cartes postales. Généralement, l’inspiration vient d’une image qui m’interroge et dont je cherche à comprendre le sens, la beauté ou ce qui me parle en elle. Peindre une image qui m’inspire est une manière de comprendre la signification de celle-ci. Lorsque je peins dans la rue ou que j’expose en galerie, le regard des gens sur cette image me permet d’en apprendre davantage sur le monde.

Comment est née la figure du guerrier Bantu ? Quelle est la signification du totem Bantu mis en vente à l’occasion de notre vente solidaire ?

La figure du Guerrier Bantu est née lors d’un voyage en Afrique subsaharienne en 2008. Lors de mes explorations urbaines, je découvre un lieu majestueux, à l’abandon. Il s’agit du Centre International des Civilisations Bantu de Libreville, un projet avorté qui sert de camp d’entraînement à l’armée militaire française implantée dans la capitale Gabonaise. Je décide alors d’y peindre ce personnage muni d’une sagaie dans l’idée que ce « Guerrier Bantu » entre en interaction avec les militaires français pour revendiquer son appartenance à ce territoire. De cette intervention contextuelle est née une série d’œuvres contextuelles qui se prolonge depuis plus de 10 ans à travers le monde, en réponse à toutes les zones occupées de manière plus ou moins légitimes.

Pourriez-vous nous parler de votre engagement auprès de l’AMREF ? 

La rencontre avec l’AMREF s’est faite en 2014, lors de la vente des fenêtres que j’avais peintes sur la façade de l’actuel Hôtel Renaissance République à Paris. J’avais pour ambition que mon œuvre serve une cause qui me tenait à cœur et la formation des sages-femmes en Afrique pour lutter contre le fort taux de mortalité post-natal me paraissait être le meilleur moyen de donner un sens à mon travail. Les 46 000€ récoltés lors de cette vente caritative ont ainsi pu profiter aux actions de l’AMREF et j’en suis très heureux. Depuis, je continue à suivre leur action à travers le continent Africain.

Un artiste est-il un agitateur social ? En investissant l’espace public avec vos créations artistiques, quel message portez-vous ? 

Pour moi, l’artiste est celui qui fait bouger des lignes invisibles, celles que personne n’imaginait pouvoir déplacer autrement que par la force. Le message que je cultive est celui d’une croyance profonde en l’Homme en harmonie avec son environnement. Ma conviction est que chacune de nos actions a un impact direct sur le monde. En réalisant des œuvres qui permettent de transcender le caractère éphémère et vain de nos existences, mon but est de montrer au monde que l’on peut interagir avec notre environnement autrement que par son exploitation. Ainsi, j’offre une alternative à la vision court-termiste de l’Homme régnant sur le Monde et je transmets cette démarche aux générations futures. C’est pour moi le but ultime de l’Art. Si ce dernier n’est réduit qu’à sa fonction décorative et qu’il est dépourvu de cet engagement, alors il n’a pas lieu d’être et les artistes ne sont plus que des décorateurs publicitaires.