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Conversation avec Steve Sabella

Steve Sabella est un photographe allemand reconnu pour son travail. Dans cet entretien, il nous en dit plus sur sa série Everland, composée de neuf collages de photos de décorations palestiniennes en broderie cousues et tissées sur une grande variété de costumes traditionnels.

Une des photographies de cette série, Everland II edition 4/6est mise en vente à l’occasion de notreVente aux enchères de Photographie du 17 au 23 juin sur SINGULART. Découvrez dès à présent cet artiste et prenez part à nos enchères !

Pourquoi avez-vous créé la série Everland ? Comment est né le projet ?

Juste avant que le coronavirus bouleverse notre réalité, j’étais l’une des quarante personnes du monde entier choisies pour faire partie d’un groupe créatif de co-action visant à lutter contre toutes les formes d’extrémisme par les arts et la culture. Notre première rencontre a eu lieu à Venise, et l’état d’urgence sanitaire a été déclaré ce week-end-là. Et cela reflétait tout ce que nous pensions de l’état du monde, quelques semaines avant la propagation du virus. Sur de larges tableaux blancs, nous avons commencé à dessiner une nouvelle image du monde tel que nous l’imaginions. Notre deuxième rencontre a eu lieu à Bruxelles, et notre mission était de transformer cette imagination en réalité avant de nous rendre à Washington, D.C., pour décider de l’action à mener. Aucun d’entre nous n’a discuté, décidé d’un accord ou contesté. Toutes nos conversations commençaient par un « et », où chacun contribuait, ajoutant au tableau d’ensemble que nous essayions de résoudre tous ensemble. Le « je » a été réduit au silence, remplacé par ce que « nous » pouvions faire pour créer un monde basé sur la conscience globale.

Les histoires partagées, les visions et les échanges honnêtes nous ont transformés et marqués. J’avais une heure de libre avant mon voyage dans les nuages et je me suis retrouvé à flâner sans but dans les rues de Bruxelles. Mais l’univers n’a pas de mauvaises réponses. Le soleil brillait dans le ciel bleu, réchauffant les couloirs froides des rues. Je regardais le soleil les yeux fermés, acceptant ses rayons et ce qu’ils transportaient avec eux. Et puis j’ai ressenti un nouvel état de liberté, réalisant alors que tant qu’il reste une personne qui imagine un monde meilleur, la vie a une chance. Et il y a plus d’une personne. Ils sont nombreux, tous attendent que leurs idées et leurs rêves soient tissés ensemble par la lumière cosmique. Les graines sont toutes là, à la recherche du bon terrain pour s’épanouir. Et elles le peuvent en un clin d’œil. En attendant, le sol que nous cherchons tous se trouve là où nous sommes, et les graines se trouvent en nous.

Comment avez-vous transformé cette vision ou ce sentiment en art ?

J’étais dans un état de béatitude. Et au moment où ma toile m’a trouvée dans la salle de lumière, j’ai transformé cet état de bonheur en Everland. Everland est la terre de la Palestine, avec des racines qui s’étendent partout. Et comme jamais auparavant, la Palestine a été rayée de la carte du monde – mise à l’écart, elle a perdu son centre, jusqu’à ce qu’elle ressuscite récemment. Everland est un collage de photos de broderies palestiniennes, une tradition transmise de génération en génération par les femmes qui cousent des motifs et des dessins pour révéler avec fierté leur héritage, leur ascendance et leur lieu d’origine. La broderie palestinienne est une preuve d’existence qu’aucun pouvoir ne peut déraciner de l’imagination du peuple, une célébration de l’identité et de la narration collectives qui se renouvelle, s’éveille chaque fois que nous voyons ou touchons sa beauté.

Etant donné l’histoire de la Palestine, la beauté de ces broderies perce le cœur. Je me souviens que ma mère et mes sœurs s’y adonnaient lorsque j’étais enfant et que je vivais dans la vieille ville de Jérusalem. Le processus était semblable à celui de la méditation où l’on passe des heures interminables à voyager d’un petit carré à l’autre, se sentant invité à explorer le soi et ses vérités. Devant la richesse des couleurs et des formes, on entre inévitablement dans un état de transe. Et comme on peut le voir, Everland est comme une danse psychédélique et cosmique.

Quel message ou quelles émotions souhaitez-vous transmettre à travers ce projet ?

Everland célèbre toute la beauté qui émane de la Palestine, un lieu où tout est bouleversé. Pourtant, le collage permet aux points de croix de s’insérer pleinement dans de nouvelles frontières, créant des motifs uniques, des connexions qui semblent représenter toutes les autres cultures, révélant finalement l’esprit du monde. Nous sommes tous de partout et de nulle part. Poétiquement, nous venons tous d’ailleurs. Et ce nulle part est l’Everland que nous recherchons tous. Y parvenir est un extraordinaire voyage de découvertes infinies.

Pourriez-vous nous parler de la technique que vous avez utilisée pour créer Everland ?

Everland n’est pas cousu avec du coton, de la laine ou de la soie, mais avec des fils numériques tissés sur un nouveau tissu de vie, sur le tissu de la lumière. Et si la lumière qui tombe sur la terre est toujours nouvelle, comment pouvons-nous rester les mêmes ? Nous sommes des créatures de lumière. Et la lumière brille dans toutes les couleurs du monde, créant les fils de notre vie. A nous maintenant de les tisser ensemble.

Chaque fois qu’Everland sera exposé, ses neuf carrés seront placés dans une constellation différente, y compris leur orientation sur un côté quelconque. De cette façon, Everland aura toujours des possibilités infinies, créant un nouveau visuel, toujours changeant.

Quels conseils donneriez-vous aux photographes émergents ?

Continuez à chercher, continuez à chercher. Les détails extraordinaires que vous recherchez sont toujours là, sous vos yeux.

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