Artistes

5 minutes avec Marc Laffolay

Marc Laffolay

Marc Laffolay possède une formation de sculpteur qui lui permet aujourd’hui d’apprécier la plus grande spontanéité offerte par la peinture. Libéré de toute contrainte structurelle, il passe de la xylographie au feutre à la peinture à l’acrylique pour créer des œuvres à la fois fracturées et équilibrées, centrées et libres.

Nous avons posé quelques questions à Marc Laffolay sur sa démarche artistique et ses sources d’inspiration.

Quand avez-vous choisi de devenir artiste ?

Depuis toujours, j’ai recherché à exprimer ce que je ressentais au plus profond de moi. La musique à travers le piano et le jazz, ainsi que l’écriture furent mes premiers « moyens d’expression ». Parallèlement à cela, je travaillais régulièrement le bois. Cette matière, sa chaleur, sa capacité à recevoir la trace, l’empreinte du temps et des éléments me touchent beaucoup. C’est la la pratique artistique et créative du tournage sur bois qui a été l’élément déclencheur. Le passage à la sculpture s’est alors fait très naturellement et je m’y suis consacré pleinement.

J’ai eu la chance d’être très rapidement repéré par une première galerie : les dés étaient jetés ! Alors, par passion, pour rester cohérent avec ce que je suis et parce que la pratique artistique se met un jour à occuper une telle place qu’il devient impossible de faire autrement, je suis devenu artiste professionnel à temps plein. Depuis une quinzaine d’années, la peinture et le dessin sont venus rejoindre la sculpture. L’exercice de ces deux disciplines, pour moi complémentaires, me permet de marcher sur mes deux jambes !

BEYOND THE GRIDS – THE CAMELS MARKET- (TRACES SERIES), 2021
Marc Laffolay, France

Pouvez-vous nous parler de vos influences artistiques et des autres artistes qui vous inspirent ?

Je me dis que l’instant n’a de sens que comme résultat de tout ce qui le précède depuis la nuit des temps. Ce que nous vivons là n’est jamais que le fruit de ces transmissions, de ces présences, de ces histoires qui se sont succédées et nous ont façonnés. Et nous qui traversons ce moment pour y laisser notre empreinte, sommes inscrits dans cette continuité, dans cette intemporalité, dans ce mouvement perpétuel. Une marche et une quête qui n’en finissent pas.

Nous sommes inscrits dans un tout et faisons pleinement partie de ce tout. C’est cet élan de vie et ses traces que j’essaye de saisir. Comme je le dis souvent, ce que je fais, c’est un peu comme écrire de la pointe d’un bâton à la surface de l’eau immobile qui se mettrait à danser et se jouerait un instant du soleil, de l’ombre et de la lumière. Avant que l’eau ne retrouve sa forme originelle, je tente alors de capturer cet instant avant qu’il ne s’efface. J’essaye de le fixer dans la matière ou sur la toile : en fait, je veux d’immortaliser des gouttes de vie. Une quête de l’essentiel, de la dynamique, de l’humain aussi.

Parce que la vie est mouvement, j’ai également besoin de voir évoluer mon travail, de laisser de nouvelles traces sur les murs. Ce n’est pas toujours confortable, c’est comme traverser un gué, mais la répétition m’effraye et m’assèche.

TENTATIVE D’ECRITURE #20012 « BLUE SKY AND SUN BEAMS », 2020
Marc Laffolay, France

Les artistes qui me touchent et m’inspirent sont ceux qui pour moi vont s’inscrire, à travers un acte authentique et sincère, dans cette intemporalité, loin de la tentation du plaire, ou du souci d’être ou non tendance. J’ai justement tendance à penser que ces deux préoccupations, du plaire et de la tendance, tuent l’acte artistique dans sa sincérité, sa profondeur et sa prise de risque. Créer, c’est aussi accepter de sauter, seul et souvent au plus profond de soi.

Mis à part le vent, le sel, la mer et les traces du temps sur les pierres, les artistes qui me touchent et me portent sont nombreux. Pour n’en citer que quelques uns, et dans le plus complet désordre :

Julius Bissier, Paul Klee, Pieter Brueghel, Gerhard Richter, Serge Poliakoff, Eduardo Chillida… et tellement, tellement d’autres, à côté desquels on se sent si petits !

Préférez-vous travailler seul ou en collaboration avec d’autres artistes ? 

J’apprécie beaucoup la rencontre, l’échange avec d’autres artistes, parce que cela nourrit véritablement, amène à prendre du recul, à relativiser. Cela peut aussi susciter de riches confrontations, voire être source d’inspiration et de partage. En revanche, j’ai plus de mal avec la création en commun, que j’ai du reste peu expérimentée.

Dans mon atelier, je suis seul, face à cette toile blanche ou à cette pièce de bois, et seul aussi face à moi même. Ce qui va se passer est de l’ordre de l’intime, mélange de pulsions et de réflexion, de ressenti et de mystère, moments de lâcher prise puis d’analyse, de spontanéité, d’élans qui parfois se télescopent ou cumulent leurs forces. Il n’y a pas à expliquer, ni même à poser des mots qui enfermeraient (c’est trop souvent le cas). C’est comme ça et c’est tellement personnel, intimiste et sans compromis, que j’ai du mal à envisager une dimension collective dans cette démarche.

Pouvez-vous nous parler d’un projet sur lequel vous travaillez actuellement ?

Parallèlement à la peinture et à la sculpture, je travaille actuellement sur deux projets. Un projet d’édition, et un projet d’exposition. J’écris, c’est un besoin. Ce sont des textes, des nouvelles, des poèmes. A un moment donné, j’ai eu cette impression qu’en fait tout se rejoint. La peinture, la sculpture, l’écriture et la musique sont finalement issues d’un même creuset.

Je travaille donc en ce moment à la conception de petits opuscules, réunissant, par thèmes ou époques, mes sculptures ou mes peintures avec certains de mes textes. C’est une tâche très enrichissante, qui me permet de porter un autre regard sur l’ensemble de mon travail. Un regard plus détaché et, peut être, plus objectif.

TENTATIVE D’ECRITURE #19025, 2019
Marc Laffolay, France

L’autre projet est celui d’une exposition qui mêlerait musique, textes et sculptures en un même lieu et un même moment. Les sculptures que je réalise ont cette capacité à animer les surfaces environnantes grâce à la projection de leurs ombres. L’un de mes enfants est musicien professionnel. Je lui ai demandé de composer une pièce contemporaine pour contrebasse.

Le principe : un dialogue. Les ombres en mouvement des sculptures seraient projetées sur les murs (jeux d’éclairages), alors que seraient entendues des bribes de textes, des chuchotements, et que serait jouée la pièce contemporaine pour contrebasse. J’aime cette idée de la création d’un univers sensible. Ce serait une autre façon de partager ce que je suis et ce que je fais.

Que feriez-vous dans la vie si vous n’étiez pas devenu artiste ?

Très difficile de m’imaginer n’être pas artiste et faisant autre chose. … Contemplatif ? Chasseur de vent ? Navigateur ? Aventurier ? Parcourir la steppe à cheval et écrire le soir les impressions recueillies ? Collectionneur des rires et des regards croisés ?

Y a-t-il d’autres artistes présentés sur SINGULART dont le travail vous plait ? 

Beaucoup me plaisent, attirent mon regard ou me parlent carrément! Je ne les ai pas tous vus, beaucoup s’en faut… Francesco d’Adamo, N. Nasr, B. Seghers, Pierce Mc Cullough, et tellement ,tellement d’autres que je suis confus de ne pas citer.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes artistes qui débutent ?

Qui suis je pour conseiller ? Ce ne sont pas des conseils, mais, en vrac, des pistes de réflexion qui me viennent à l’esprit.

Essayer de s’extraire de l’air du temps, en ne cherchant pas être tendance et puiser son inspiration dans une variété de sujets (littérature, nature, architecture, musique , etc.).

Aussi, bannir le plagiat, sortir du « à la manière de », soit-il explicite ou implicite et aussi prestigieuse soit la source (Warhol, Basquiat, Haring, etc.). Ce n’est rien d’autre qu’un exercice. Il faut préférer être soi, sincère, plutôt qu’une énième redite !

Enfin, écouter l’œuvre en train de se faire, elle montre souvent très bien le chemin !

Merci beaucoup Marc. Parcourez son portfolio sur SINGULART ici.