Artistes

Rencontre avec le designer Alexandre Aréthuse

Alexandre Aréthuse fait partie de la toute première vente de design SINGULART, Quand l’Art rencontre le Design. Depuis son installation au Danemark il y a 10ans, il a développé sa ligne personnelle de mobilier en bois entièrement fabriqué à la main et mis au point un processus de colorisation du bois unique.

Nous nous sommes entretenus avec Alexandre pour découvrir l’inspiration qui se cache derrière ses créations colorées et ses techniques expérimentales.

Pourriez-vous vous présenter et nous parler brièvement de votre parcours de designer et de fabricant de meubles ?

Je suis un créateur-ébéniste né en 1980 à Amboise en France et installé à Copenhague au Danemark depuis une dizaine d’années. J’ai commencé ma carrière par le développement produit. Cette première expérience, loin d’où je suis maintenant puisqu’il s’agissait principalement de production industrielle à bas coût, m’a permis d’apprendre énormément sur les méthodes de fabrication et sur l’industrie de la décoration. Le désir de me pencher plus qualitativement sur chaque pièce m’a poussé à développer ma première série de meubles d’extérieur haut de gamme fait pour durer et dont tous les détails ont été respectueusement pensés et réfléchit.

Je me suis ensuite expatrié à Copenhague et cela a amplifié mon attraction pour le mobilier en bois. Une recherche dans l’artisanat traditionnel par les fabricants et designers légendaires Danois m’a conforté dans l’idée de devenir ébéniste. Débutant comme apprenti chez un fabricant important, je suis rapidement devenu manager de leur département mobilier.

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Mon désir de repousser les limites et mon envie d’expérimentations et de créations de pièces exceptionnelles a initié cette nouvelle étape de créations contemporaines uniques tout en respectant le passé, en utilisant des techniques modernes mais aussi en revisitant des techniques anciennes. Un soupçon de “nerdiness” et de nombreuses années d’expériences dans différents secteurs créent un puit sans fond de possibilités et d’opportunités.

Quelle a été votre toute première création ? 

Ce que j’estime avoir été ma première création fut un fauteuil réalisé dans son intégralité lors de ma formation d’ébéniste. C’est un fauteuil qui d’ailleurs me suis partout et qui est maintenant dans mon atelier. Il a énormément de défauts tant au niveau design que réalisation, mais jamais je ne m’en séparerai et je suis certain qu’il passera quelques générations.

Vous êtes également ébéniste, comment cela vous différencie-t-il des autres designers? 

Je suppose que cela me permet d’avoir une vision plus approfondie quant au facteur technique de mes créations. Dès le début du concept d’une pièce, je fais des choix quand aux techniques que je veux mettre en valeur, techniques d’assemblages ou de finitions qui ont un impact tant sur le visuel que sur la construction. Je désire aussi que mes créations soient conçues pour durer, et donc l’aspect visuel se doit d’être toujours en adéquation avec sa solidité. Aussi, j’estime que le design d’une pièce reste une opinion mais la qualité de sa réalisation est un fait. Et dernier facteur qui me viens à l’esprit, c’est le facteur temps, en effet la durée entre le début d’une conceptualisation et sa concrétisation est beaucoup plus rapide lorsque l’on est dépendant que de soi-même.

Le bois est votre matériau de prédilection, quelles sont ses caractéristiques qui vous passionnent le plus ? 

Ce qui me passionne le plus dans le bois est que c’est un matériau naturel, noble, vivant, renouvelable et extrêmement diversifié. Chaque variété de bois a ses propres spécificités, que ce soit en termes de densité, résistance, durabilité, couleurs, veinage et bien plus encore. Chaque projet commence par une sélection appropriée dans ma scierie locale. C’est cette sélection intensive que se démarqueront mes pièces uniques de pièces industrielles. De plus, c’est un matériau utilisant plusieurs sens, non seulement la vue, mais aussi l’odorat et le toucher. Pour finir, il y a quelque chose de magique dans la transformation d’un matériau dont tout le monde peut avoir accès, mais dont seulement un travail soigné et précis se démarquera à la fin.

Vous avez un processus de colorisation unique, pourriez-vous nous en parler ? 

Cela fait maintenant une dizaine d’année que j’ai commencé à m’intéresser à la teinte du bois, à différencier avec la peinture. La teinte du bois permet de coloriser le bois en son sein et non de recouvrir sa surface. Cela permet de mettre en valeur son veinage, son grain et non de le recouvrir. J’ai essayé pratiquement tous les produits existant sur le marché mais c’est uniquement en effectuant des recherches historiques sur la teinte du bois par les ébénistes français du 18ème siècle que j’ai réussi à développer ma technique actuelle. Cela me permet de « théoriquement » développer n’importe quelle couleur et d’appliquer un grand spectre de finitions allant du mat jusqu’au brillant.

Quel est votre aspect préféré du processus de création ? 

Je peux dire que j’adore l’étape pendant laquelle toutes les idées créatives et techniques s’imbriquent et « fonctionnent » puis se concrétisent par la réalisation 3D de la pièce. Cette étape est vraiment un aboutissement pour moi puisqu’il s’agit de la concentration sur le geste. De mon humble avis et par rapport à mon propre cas, mon processus de création se résume à une succession de prises de décisions. J’ai un grand respect pour ces artistes qui arrivent à créer et réaliser concrètement en même temps, ce n’est pas possible dans ma démarche.

Comment décririez-vous votre style et combien de temps vous a-t-il fallu pour développer un style unique ?

C’est très difficile de décrire son style par soi-même et même assez arrogant d’estimer que l’on a son propre style. Mais si je devais le décrire, je dirais que le style des mes créations est inspiré de l’ébénisterie traditionnelle Danoise des années 60 basée sur une construction et un design épuré mais avec ma « french touch » dans les finitions et les détails poussés et dans une élégance non minimaliste. L’expérimentation est également très importante pour moi et fait partie de mon processus de création et de mon style.

Un détail non négligeable que j’ajoute sur toute mes créations est une puce sans contact de technologie NFC caché sous ma signature. Celle-ci permet à son propriétaire d’avoir un accès digital à l’histoire complète du meuble comme la provenance du bois utilisé, une explication des techniques utilisées, une explication du design et des décisions prises quand à celui-ci, les recommandations d’entretien, etc… De plus, cela permet de garantir l’authentification de celui-ci puisque chaque puce a un numéro de série unique dont je suis le seul à connaitre, détail s’avérant crucial dans le cas d’une revente ultérieure.

Où puisez-vous le plus souvent votre inspiration ? Quelles sont vos influences? 

Mes inspirations viennent principalement de moments instantanés difficiles à définir comme une balade en forêt, une visite de musée, un voyage ou une discussion avec une personne. Je fais en sorte de ne pas avoir d’influences de façon à développer toujours plus mes propres idées. Je fais aussi des recherches historiques que ce soit dans l’ébénisterie, le design, l’architecture ou l’art en général à travers des livres, des musées ou du web.

Une œuvre d’art, sculpture, architecture particulière vous a-t-elle inspiré récemment ?

Pour être tout à fait honnête, j’ai récemment redécouvert des photos que j’ai prise lors d’un voyage au Japon et je n’arrête pas de penser à une sorte de rempart ancien découvert sur place composée de pierres toutes différentes mais qui s’imbriquent très précisément d’une façon très particulière. Et cela me donne de nombreuses idées qui peut-être seront utilisées dans mes créations à venir.

Quel est votre rêve en tant que designer ? 

Mon rêve est assez simple, je veux tout simplement continuer de faire ce que j’aime avec un minimum de contraintes, prendre le temps de voyager pour le plaisir, concilier cette vie professionnelle avec une vie privée qualitative et de prendre du temps pour apprendre et expérimenter encore et encore.

Merci à Alexandre Aréthuse d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et ne manquez pas notre première vente de Design du 12 septembre au 3 octobre.