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Quelles organisations du travail de demain ?

Alors même que le monde de l’entreprise se questionne sur l’importance d’un bureau et l’organisation du travail, SINGULART qui vient juste d’emménager dans des nouveaux bureaux en plein cœur de Paris, a voulu partager son expérience et celle d’autres entreprises. Il est certain que la covid a chamboulé le travail tel que nous le connaissions. Entre hausse de productivité en télétravail, sentiment d’isolement, ou encore réorganisation managériale, beaucoup de ces sujets sont non négligeables. Nous avons voulu ouvrir le débat sur ces transformations, et c’est pourquoi nous avons organisé une table ronde le 05 octobre avec des interlocuteurs provenant de différents secteurs et structures.

Modéré par Véra Kempf, la co-fondatrice de SINGULART, la table ronde comprenait les intervenants suivants : Julie Carrière – HR manager chez SINGULART, Danièle Linhart – Sociologue et chercheuse au CNRS,
Josselin Martin – Co-fondateur et directeur général de Genius, Caroline Ramade- Fondatrice et CEO de 50inTech et Martha Santos – People experience chez Swile. 

Nous avons relevé 3 sujets qui semblent cruciaux pour les employés désormais.

Une structure de travail hybride

Avant la COVID, seuls 8% des managers avaient à gérer des personnes en situation de télétravail, désormais c’est 40%. Aujourd’hui, ils sont confrontés à un nouveau défi pour gérer leurs équipes à distance, et il faut du temps pour s’acclimater au télétravail du côté des employés comme du côté des managers, ainsi que des aides pour gérer les risques psychosociaux. Durant le confinement, les gens avaient des difficultés à faire des pauses. “J’ai obligé mon équipe à se déconnecter. » dit Julie Carrière de SINGULART.  Josselin Martin de Genius explique: “une formation est nécessaire pour garantir la compétence dans ce domaine. Mais les formations existantes de management à distance sont quasiment inexistantes, et n’abordent quasiment pas la place des outils à mettre en place”.

Si la flexibilité a toujours aidé les femmes et les mères à mieux s’organiser, ces deux dernières années, celles-ci  étaient malheureusement moins susceptibles de fixer des limites claires à domicile et étaient plus souvent interrompues par leur famille. Caroline Ramade de 50inTech constate que ceci peut entraîner une baisse de l’efficacité et de la productivité. D’ailleurs, une étude montre que 47 % des hommes contre 29 % des femmes disposent d’un espace séparé pour le travail à la maison.

Le télétravail peut aussi être injuste ; selon le profil des postes certaines personnes ne peuvent pas travailler de chez elles. Cela renforce les inégalités entre les cadres et non cadres, raison pour laquelle certaines entreprises demandent à leurs équipes de revenir au bureau tous les jours. Néanmoins, l’hybride  reste  le mode de travail privilégié par la majorité des entreprises, mais la crainte est  que dans le futur les promotions risquent d’être moins données aux personnes qui sont le plus souvent en télétravail comme le souligne Véra Kempf.

La globalisation de la culture d’entreprise

Julie Carrière nous a donné son analyse de son expérience pendant le confinement dans une scale-up, insistant sur le danger du manque  d’échange informel en télétravail. En effet, les salariés osaient moins poser de questions que lorsqu’on se croise naturellement dans le bureau. Cela peut entraîner un manque de vision globale de l’entreprise et donc les salariés ne se sentent plus appartenir à un groupe qui travaille dans la même direction. Josselin Martin a expliqué qu’il avait mis en place un système dans lequel les membres de son entreprise sont à distance mais se retrouvent tous pour des réunions mensuelles et des événements de renforcement de l’esprit d’équipe où l’on n’aborde pas le travail. 

Martha Santos ajoute que Swile a commencé à mettre en place des rituels en fin de journée pour que chacun puisse se déconnecter plus facilement durant le confinement. Ce rituel a pour vocation de remplacer le temps du trajet pour rentrer à la maison, et donc permettre à l’esprit de déconnecter, et séparer clairement les moments professionnels des non professionnels.

En plus de créer un lien avec l’entreprise durant le confinement, les valeurs communes et l’esprit d’entreprise restent importantes en tout temps, même si elles sont aujourd’hui en mutation. Comme le remarque Danièle Linhart, sociologue, bien qu’il s’agisse d’entreprises françaises, la langue utilisée, même dans cette discussion francophone, était fortement anglicisée, alors même que les équivalents français de ces mots existent. « C’est un signe de la façon dont les entreprises sont connectées et influencées mondialement de nos jours. Avec un personnel international, la culture et les pratiques de bureau qui étaient considérées comme normales par les Français il y a quelques années, sont maintenant repensées avec un état d’esprit plus international, ce qui a une influence considérable sur la construction d’une nouvelle culture de bureau« .

Donner un sens à sa carrière

Ce qui a été le changement le plus marquant pour tous les participants est la notion de sens. Beaucoup connaissent des amis ou d’anciens collègues qui ont complètement changé de voie ou de carrière à la recherche de quelque chose qui leur semble avoir plus de sens. Comme l’a dit Danièle Linhart, plus de 40 % des personnes ayant répondu au Work Trend Index de Microsoft, une enquête mondiale menée auprès de plus de 30 000 personnes dans 31 pays, ont déclaré envisager de quitter leur employeur cette année.

Swile a relevé cette tendance en organisant un sondage, il en ressort que la recherche de sens dans son travail est l’un des facteurs principaux recherché par un salarié pour sa carrière et rester au sein d’une même société. Les autres facteurs sont les suivants : 

1) un environnement digne de confiance 
2) l’objectif du travail 
3) la reconnaissance 
4) la considération

Danièle Linhart conclut en disant que face à un travail de plus en plus en plus abstrait, effectué en virtuel, le sens se perd. En plus de réfléchir à l’organisation du travail, il faut penser à la nature du travail.

Les futurs challenges

Le bureau n’est pas mort, il faut le penser différemment en fonction des usages et sacraliser un espace commun pour maintenir le lien. L’entreprise est responsable de la création de lien social. Remettre le sens au cœur de la mission et créer un sentiment d’appartenance, sont donc les prochains défis des entreprises modernes. A SINGULART, nous avons pensé le bureau comme un espace de vie afin de se sentir comme à la maison avec des zones aménagées pour discuter et se reposer, tout en ayant une vue imprenable sur Paris. En gardant en tête le challenge que représente une entreprise internationale qui doit créer des valeurs d’entreprise communes et prendre en compte toutes les différences de culture et les 26 langues parlées.

Nous remercions chaleureusement tous nos intervenants pour leur participation et idées échangées lors de cette table ronde.